mercredi 25 mars 2015

HIDA 3ème 1 et 3ème 4 : Etude de deux monuments aux morts de la Grande guerre



Voici le monument aux morts de la commune de Gentioux  (Limousin), réalisé en 1922. 
Il se compose d'une colonne de granit et d'une statue de bronze représentant un jeune écolier montrant l'inscription "que maudite soit la guerre".
C'est un monument de type PACIFISTE, un des rares en France.

Voici le monument aux morts de la commun de Beaumesnil  (dans l'Eure), réalisé en 1920.
Il se compose d'un "poilu victorieux". On compte près de 900 exemplaire de ce modèle dans toute la France.
C'est un monument de type PATRIOTIQUE. 

samedi 7 mars 2015

Bécassine et la Grande Guerre 3e2 et 3e5





En quoi Bécassine témoigne-elle de la Grande Guerre ?

Les n° évoqués entre parenthèses correspondent aux planches étudiées avec les élèves. Elles sont disponibles pour les élèves sur moodle (à la fois en format PDF et en format JPEG pour illustrer un éventuel diaporama). 

I. Présentation de l’œuvre

Nature

Nous allons étudier des planches de bande dessinée extraites de 3 albums différents :
- Bécassine pendant la Guerre (devenu Bécassine pendant la Grande Guerre après la Seconde Guerre mondiale pour ne pas confondre les deux conflits)
- Bécassine chez les Alliés
- Bécassine mobilisée

Auteurs et dates

- Pour Bécassine pendant la Guerre, paru en 1915 : scénario de Caumery (pseudonyme et acronyme de Maurice Languereau) et dessins de Joseph-Porphyre Pinchon.

- Pour Bécassine chez les Alliés (1917) et Bécassine mobilisée (1918) : Joseph-Porphyre Pinchon, mobilisé, est remplacé par Edouard Zier.

Idée principale

Tribulations de Bécassine pendant la guerre.

Source 

Les albums que nous avons étudiés ne sont pas les éditions originales, mais des rééditions des albums historiques, avec leurs couvertures d’origine, faites à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale (albums réédités le 03/01/2014)

ð    On voit déjà que Bécassine « témoigne » bien du conflit, et ce de trois manières :
1. les albums ont pour toile de fond la période de la Grande Guerre
2. la réalisation de ces albums a été « perturbée » par le conflit, puisque le dessinateur attitré a été mobilisé
3. les albums participent à la « mémoire » de la guerre, puisqu’ils ont été réédités à l’occasion du centenaire

A. Un personnage

Bécassine (de son vrai nom Annaïck Labornez).

Personnage aisément identifiable par sa tête ronde, dépourvue de bouche, sa coiffe, sa robe verte et rouge à bordures noires et son parapluie rouge (n°2). Visage qui permet aux lecteurs de davantage s’incarner dans la peau de leur héroïne, de s'identifier à elle.

Bécassine est bretonne (cf. coiffe). Elle est née à Clocher les Bécasses. Elle travaille au service d’une aristocrate, la marquise de Grand Air (n°2). Elle est d’origine modeste, comme le montrent ses vêtements, son attitude et son expression orale, plus familière que celle de sa maîtresse (n°2).

Le personnage renvoie à un contexte social précisément daté. L’émigration bretonne est particulièrement importante dans les premières années du XXe siècle. La misère, avivée par la crise des activités traditionnelles (pêche de la sardine, tissage), oblige beaucoup de jeunes Bretonnes à l’exode rural, notamment vers la capitale. Elles sont ouvrières, bonnes, postières ou nourrices, ou sont condamnées à la prostitution. On dénombre 100 000 bonnes d’origine bretonne à Paris dans les années 1900.

Bécassine se singularise par une naïveté qui s’apparente parfois à de la bêtise, et qui repose sur trois piliers :
- sa mauvaise maîtrise de la langue française (fait qu’elle prend un mot pour un autre ou une expression imagée au pied de la lettre)
- sa méconnaissance des usages sociaux
- son ignorance des machines modernes.

Exemple (n°2) à l’heure de la mobilisation, Bécassine, n’ayant pas trouvé la Bochie dans l’Atlas, tente de rassurer la marquise : « Faut pas que Madame se fasse du mauvais sang comme ça. Possible qu’y aura la guerre, mais comme c’est avec des gens qui n’existent pas, ça ne présente guère de risques ».

Autre exemple (n°5 et 6) : prend l’expression « c’est une infection » au pied de la lettre.

Autre exemple (n°8) : ne comprend pas et déforme complètement les anecdotes historiques que lui a expliqué la nièce de la marquise, Yvonne.

C’est un personnage sympathique car elle est optimiste et généreuse.

B. Un genre

Bécassine n’est pas véritablement une bande dessinée, mais plutôt une « histoire en images ».

Chaque planche comporte trois séries d’images superposées. Dessin fait à la plume et à l’aquarelle, puis imprimé en quadrichromie.

Pas (encore) de « bulles » (phylactères), mais un texte placé en dessous des images, qui pourrait à la rigueur être lu seul sans pour autant perdre de précision dans la narration.

Pas de changement de cadrage, comme dans les bandes dessinées modernes.

En fait, Bécassine est l’une des ancêtres de la BD, et l’un de ses rarissimes premiers rôles féminins. On peut considérer Caumery et Pinchon comme des précurseurs du « neuvième art », dans le prolongement de Töpffer (auteur suisse du XIXe siècle, considéré comme le créateur et le premier théoricien de la bande dessinée).

D’ailleurs, le « style rond » de Bécassine, son visage sans bouche font penser à un autre personnage célèbre de bande dessinée : Tintin de Hergé.

C. Un public

Bécassine est née en 1905 dans les pages de l’hebdomadaire La Semaine de Suzette, destiné aux fillettes (8 à 14 ans) des milieux aisés (aristocratie et bourgeoisie catholique).

Pour la Semaine de Suzette et l’origine sociale des lectrices, voir n°12.
Pour l’orientation catholique, voir n°5 : « Mais Bécassine a pris une grande résolution, elle passera l’examen. Elle travaille assidûment le Manuel, l’apprend mot à mot, comme un catéchisme. Chaque soir, Yvonne lui fait répéter sa leçon ».

Les aventures de la petite bretonne illustrent une vision conservatrice de la société, marquée par les hiérarchies sociales => dimension pédagogique. Les éditions Gautier affichent leur appui à l’enseignement privé catholique et leur soutien à la séparation des sexes à l’école. Principes de La Semaine de Suzette : moralisation, bonne éducation, instruction et distraction.

A partir de 1913, les planches sont éditées en albums, avec reliure toilée (conjointement aux parutions dans la Semaine de Suzette).

***

Aujourd’hui, ces albums s’adressent à tout le monde. Leurs multiples rééditions témoignent du succès des aventures de Bécassine, bien au-delà du public visé à l’origine.

D. Une période

La guerre est au cœur des aventures de Bécassine, puisqu’elle est constitue le cadre. Dès le début du premier album (n°2), la guerre est présente, au cœur des préoccupations de tous les personnages, qui suivent l’actualité en lisant les journaux (1er août 1914). La dernière planche évoque elle aussi directement la guerre et clôt l’album à l’été 1915 en Alsace (cf. territoire annexé à l’issue du conflit franco-prussien en 1871).

II. Une « Bécassine mobilisée » … et qui mobilise

Mobiliser : faire appel à une personne/un groupe, pour une œuvre collective. Dans le cadre d’un conflit : mettre sur le pied de guerre une armée, affecter des citoyens à des postes militaires (Le Petit Robert, 2003).

A. Bécassine connaît des conditions de vie difficiles

Bécassine doit faire face à de nombreuses difficultés (qui illustrent les conditions de vie et les souffrances des civils à l’arrière pendant le conflit) :
-  n°3 : fuite devant les Allemands (uhlans : cavaliers armés allemands), qui sont considérés comme des brutes (sauvages, croquemitaines) => renvoient aux rumeurs qui circulent dans les première semaines du conflit
- n°7 : peur, chagrin : « Je mets la main à la plume pour écrire ce qui suit, qu’est peut-être les dernières lignes que je tracerai, vu que je me demande si les chagrins et l’inquiétude vont pas me conduire avant l’âge au trépas et même plus loin »
- n°14 : pénuries, difficultés à s’approvisionner en denrées du quotidien, hausse des prix (en particulier dans les villes) : « j’en avais assez de ce Paris, où on maigrit, où c’est des tas d’histoires pour des choses aussi simples que d’acheter du beurre, du pain, du sucre ».

B. Bécassine s’engage dans le conflit

Bécassine fait tout pour soutenir l’effort de guerre (ce qui témoigne de la mobilisation de l’arrière dans le cadre d’une guerre totale) :
- n°2 et n°3 : met en place des pièges contre les Allemands
- n°5 et n°6 : se met immédiatement au service des blessés en devenant auxiliaire de la Croix-Rouge
- n°7 et n°8 : se fait marraine de guerre pour Zidore (diminutif populaire d’Isidore, lui aussi domestique de la marquise et envoyé sur le front)
- n°16 : décide de se présenter à l’administration des tramways, devient receveuse => à l’image de nombreuses femmes durant la guerre, Bécassine se retrouve à faire un métier autrefois réservé aux hommes, puisque ces derniers sont tous partis au front => prouve bien l’importance prise par les femmes dans l’économie nationale. En cela, Bécassine témoigne de la progressive émancipation des femmes née de la Grande Guerre.

C. Bécassine mûrit et grandit

Elle-même, d’ailleurs, passe de la naïveté au sérieux, des bévues à une attitude responsable. La guerre l’oblige à mûrir. Avec les évènements, elle apprend à se débrouiller.

Exemple : comparaison de la première et de la dernière planche de  Bécassine dans la Grande Guerre (n°2/n°10) : à la fin de l’album, en Alsace, Bécassine, sérieuse, au garde-à-vous, participe au salut au drapeau.

Bécassine est une sorte de « roman d’apprentissage ». Le personnage suscite l’attachement des enfants qui, eux-mêmes découvrent le monde. La guerre l’oblige à grandir précocement, comme les enfants pris dans la tourmente de la guerre.

Parce qu’elle suscite l’adhésion, Bécassine permet aux enfants de comprendre et penser la guerre, tout en la dédramatisant et en déréalisant la violence.

D. Bécassine parle aux enfants

A travers les péripéties de Bécassine, la guerre est racontée de manière pédagogique aux enfants. Pour autant, peut-on parler de « propagande » (ou de « bourrage de crâne ») ?

La réponse est nuancée.

OUI, car :
- patriotisme (n°9 et 10 : Bécassine ne manque pas l’occasion, improbable dans la réalité car zone de guerre, de se rendre dans la modeste portion du territoire alsacien libéré par l’armée française en 1914-1915)
- dévalorisation de l’ennemi qui est à la fois bête (n°4) et méchant (n°13 : « et ça montre une fois de plus la férocité de ces bandits de Boches. Nous, on fait des farces drôles et pas méchantes ; la leur de farce, c’était de faire tuer ou blesser une pauvre bête inoffensive »)

NON, car :
- les albums contiennent une critique de la bureaucratie militaire (on y croise des chefs tatillons, des fonctionnaires zélés, des gardiens de voies rondouillards et maladroits), ce qui a d’ailleurs valu aux éditions Gautier-Languereau la suspicion des services de la censure du ministère de la guerre
- les techniques de propagande (films notamment) sont clairement évoquées,
- Bécassine elle-même accuse les journaux de ne dire que des « menteries ».

III. Une approche singulière de la guerre

A. De Bécassine…

Les auteurs n’abordent pas les violences des combats, ni la mort de masse : la guerre est aseptisée, parce qu’elle ne doit pas non plus écraser ce qui fait le succès de Bécassine : l’humour et la dérision.

Ménageant la sensibilité du public, les auteurs, bien que les ayant côtoyées dans le cadre de leur service, se gardent de décrire les atrocités de la guerre :
- le blessé de guerre soigné par Bécassine n’est atteint que d’une simple entorse (n°5),
- le front apparaît comme le lieu de « farces » réciproques (n°13).

Les principales conséquences du déclenchement des hostilités sur la vie quotidienne des civils sont abordées, mais, à aucun moment, elles ne prennent un tour tragique, et restent plutôt le prétexte à des scènes comiques exploitant la naïveté de Bécassine.

B. … à Tardi

Points communs
Différences
Avant de paraître en album, le récit du dessinateur Jacques Tardi a d’abord fait l’objet d’une publication sous forme d’un journal grand format, Putain de Guerre ! (trois numéros de 20 pages chacun).

Parution du premier album à l’occasion du 90e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale.
Participe aussi à la « mémoire » du conflit.

Forme proche de celle de Bécassine :
- trois séries d’images superposées
- monologue d’un soldat, suite de pensées
- pas de bulles

Utilisation de l’humour.
Couleurs : proches de celles de Bécassine au début,  mais de plus en plus sombres à mesure que l’on avance.

Approche : ce qui est mis en avant, c’est la « violence de masse » et l’absurdité du conflit. Soldats qui sont tout sauf des héros, envahis par la peur, victimes qui ne cherchent qu’à sauver leur peau.
Vocabulaire et images très crus, très durs. Images souvent insoutenables de blessures et de mutilations ou de traumatismes   psychologiques.


Humour qui prend la forme de l’ironie, du cynisme.


Sources utilisées

Stéphane Audoin-Rouzeau, La Guerre des enfants : 1914-1918 : essai d’histoire culturelle, Paris, Colin, 1993.

Stéphane Audoin-Rouzeau, « Bécassine, mobilisée et désarmante », 14-18, La très Grande Guerre, le Monde éditions, 1994.

Dominique Bry, « La putain de guerre de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney », site internet du journal Mediapart, article publié le 11 novembre 2008, consulté en octobre 2014.

Marie-Anne Couderc, Bécassine inconnue, CNRS Editions, « Littératures », 2000, 305.

Bruno Denéchère, Luc Révillon, 14-18 dans la bande dessinée, Images de la Grande Guerre, de Forton à Tardi¸ 2008.

Yves Marie Labé, « Bécassine débarque », site internet du journal Le Monde, article publié le 27 août 2005, consulté en octobre 2014.

Laurence Olivier Messonnier, Guerre et littérature de jeunesse (1913-1919), thèse soutenue en 2008.